Au moment de l'élection
d'Emmanuel Macron avec son positionnement centriste/central sur
l'échiquier politique, certains observateurs avaient pointé le
risque que la contestation politique se déplace aux extrêmes. Ils
avaient raison. Le traditionnel clivage droite/gauche avait vécu et,
en France comme dans de nombreux autres pays, les termes du débat
seraient dorénavant : ouverture contre protectionnisme,
orthodoxie contre volonté du peuple, raison contre passions.
De fait, dans la France
de 2019, on ne débat plus, on s'affronte. On ne reconnaît aucun
mérite, aucune respectabilité aux « adversaires »
politiques. On peut excuser une certaine forme de violence si elle
est au service d'une cause « juste ».
En réalité, en décembre
2018, le pouvoir exécutif n'a pas cédé directement à la violence
de certains manifestants. Il a cédé parce que cette violence était
comprise et acceptée, parce que malgré cette violence, les
revendications des Gilets Jaunes restaient très populaires dans le
pays.
Et le terreau sur lequel
s'est développée la situation actuelle est celui d'un défaut de
représentation du peuple.
Dans un essai paru en
2002, intitulé « La Machine à Trahir » et sous-titré
« Rapport sur le délabrement de nos institutions »,
Arnaud Montebourg, alors jeune député, rédigeait un réquisitoire
des plus sévères sur l'incapacité de la 5ème république à faire
vivre les débats en son sein, à représenter les citoyens et à les
maintenir dans l'arc républicain.
Brocardant les députés
godillots, les élus cumulards, l'opacité de la diplomatie, la
gabegie budgétaire, l'impunité et la corruption du personnel
politique, Montebourg expliquait pourquoi l'abstention et le vote
contestataire devenaient des refuges pour des citoyens qui se
sentaient trahis. Il prônait une réforme radicale des institutions
pour une 6ème république plus participative, bâtie autour de
l'exemplarité des élus, d'une réforme profonde du Sénat, de la
proportionnelle et envisageait même la possibilité du Référendum
d'Initiative Citoyenne, aujourd'hui plébiscité par les Gilets
Jaunes.
Arnaud
Montebourg, qui milita avec force contre le cumul des mandats et les
petits arrangements entre amis, se livrera finalement aux deux avant
de sombrer corps et bien politiquement et médiatiquement. Cependant,
son analyse, qui intéressait une poignée de citoyens à l'orée des
années 2000, est aujourd'hui tout simplement validée par les
faits.
Les partis politiques
proéminents il y a encore dix ans sont en voie de marginalisation.
La représentativité des organisations syndicales s'est encore
étiolée. Et surtout, ce sentiment de défiance, qui ronge la
démocratie de l'intérieur, est aujourd'hui partagé par un nombre
croissant de citoyens et s'exerce non plus seulement vis-à-vis des
pouvoirs, mais aussi des contre-pouvoirs.
Dans un pays aujourd'hui
largement hystérique et déprimé, il est difficile de trouver des
sources d'espoir, des énergies positives en capacité de stimuler
les bonnes volontés et l'Esprit de la République.
D'une certaine façon, la
machine a trahir a presque terminé son travail et personne n'aura su
l'arrêter.
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