mercredi 24 juillet 2019

Le High Yield US en territoire négatif

Le « High Yield » désigne le compartiment des marché financiers rassemblant les sociétés cotées les plus risquées. On y trouve beaucoup de start-ups sans bénéfice – parfois même sans chiffre d'affaires –, ainsi que des entreprises en difficulté chronique pour lesquelles les investisseurs vont exiger une récompense proportionnelle au risque encouru. Suivant les conjonctures, on pouvait facilement y trouver jusque récemment des opportunités de rendement supérieurs à 5% voire à 10%. 



Cette semaine, et selon Bank of America, pour la première fois dans l'histoire des marchés financiers, des obligations (dettes d'entreprises) high yield ont coté en territoire négatif. Cela signifie que pour prêter de l'argent à ces entreprises risquées, les investisseurs ont accepté le principe de payer une prime annuel. Soit l'exact contraire de l'orthodoxie économique établissant que c'est à l'emprunteur de payer une prime au prêteur et non à ce dernier.

Les investisseurs européens s'étaient déjà habitués à placer leur argent en obligations d'état à des taux négatifs. Ainsi accepte-t-on déjà de prêter à l'Allemagne à un taux négatif jusqu'à une maturité de dette de 20 ans, à la France (jusqu'à 10 ans), et plus étonnamment à l'Espagne (jusqu'à 5 ans inclus).



La contamination des taux négatifs ou nuls au segment de la cote présentant en principe les rendements les plus élevés ne revêt pas seulement un caractère symbolique. Le risque de japanisation de l'économie mondiale apparaît aujourd'hui bien réel. 

Pour mémoire la banque centrale du japon, en raison de craintes récessionnistes avait baissé son taux directeur de 6% en 1993 à 0% en 1999. Depuis 20 ans, ce taux n'a jamais pu être durablement relevé (il est aujourd'hui de -0,1%), faisant craindre pour les économies occidentales un scénario de taux nul et d'atonie économique de long terme dont personne – en tout cas au Japon - ne sait vraiment comment il est possible de sortir. 


Taux directeur de la Banque Central du Japon depuis 1991

vendredi 11 janvier 2019

La Machine à Trahir

Au moment de l'élection d'Emmanuel Macron avec son positionnement centriste/central sur l'échiquier politique, certains observateurs avaient pointé le risque que la contestation politique se déplace aux extrêmes. Ils avaient raison. Le traditionnel clivage droite/gauche avait vécu et, en France comme dans de nombreux autres pays, les termes du débat seraient dorénavant : ouverture contre protectionnisme, orthodoxie contre volonté du peuple, raison contre passions.

De fait, dans la France de 2019, on ne débat plus, on s'affronte. On ne reconnaît aucun mérite, aucune respectabilité aux « adversaires » politiques. On peut excuser une certaine forme de violence si elle est au service d'une cause « juste ».

En réalité, en décembre 2018, le pouvoir exécutif n'a pas cédé directement à la violence de certains manifestants. Il a cédé parce que cette violence était comprise et acceptée, parce que malgré cette violence, les revendications des Gilets Jaunes restaient très populaires dans le pays.



Et le terreau sur lequel s'est développée la situation actuelle est celui d'un défaut de représentation du peuple.

Dans un essai paru en 2002, intitulé « La Machine à Trahir » et sous-titré « Rapport sur le délabrement de nos institutions », Arnaud Montebourg, alors jeune député, rédigeait un réquisitoire des plus sévères sur l'incapacité de la 5ème république à faire vivre les débats en son sein, à représenter les citoyens et à les maintenir dans l'arc républicain.

Brocardant les députés godillots, les élus cumulards, l'opacité de la diplomatie, la gabegie budgétaire, l'impunité et la corruption du personnel politique, Montebourg expliquait pourquoi l'abstention et le vote contestataire devenaient des refuges pour des citoyens qui se sentaient trahis. Il prônait une réforme radicale des institutions pour une 6ème république plus participative, bâtie autour de l'exemplarité des élus, d'une réforme profonde du Sénat, de la proportionnelle et envisageait même la possibilité du Référendum d'Initiative Citoyenne, aujourd'hui plébiscité par les Gilets Jaunes.

Arnaud Montebourg, qui milita avec force contre le cumul des mandats et les petits arrangements entre amis, se livrera finalement aux deux avant de sombrer corps et bien politiquement et médiatiquement. Cependant, son analyse, qui intéressait une poignée de citoyens à l'orée des années 2000, est aujourd'hui tout simplement validée par les faits. 


Les partis politiques proéminents il y a encore dix ans sont en voie de marginalisation. La représentativité des organisations syndicales s'est encore étiolée. Et surtout, ce sentiment de défiance, qui ronge la démocratie de l'intérieur, est aujourd'hui partagé par un nombre croissant de citoyens et s'exerce non plus seulement vis-à-vis des pouvoirs, mais aussi des contre-pouvoirs.

Dans un pays aujourd'hui largement hystérique et déprimé, il est difficile de trouver des sources d'espoir, des énergies positives en capacité de stimuler les bonnes volontés et l'Esprit de la République.

D'une certaine façon, la machine a trahir a presque terminé son travail et personne n'aura su l'arrêter.