dimanche 19 octobre 2014

Quelques vérités sur la dette publique, le déficit et la croissance en France

D'abord sur la dette  


La dette publique française, c'est-à-dire le montant des sommes empruntées et restant à rembourser par l'état français, les collectivités territoriales et la sécurité sociale, a atteint le chiffre de 2.000 milliards d'euros mardi 30 septembre 2014.

Ce chiffre représente une dette de 30.000€ par français, l'équivalent de plus de 50 années de recettes fiscales, et se monte désormais à 95,1% du Produit Intérieur Brut, c'est-à-dire la somme totale des richesses produites annuellement en France. Le projet de Finances pour 2015 prévoit une dette équivalente à 98% du PIB pour 2016. A titre de comparaison, en 2000 la dette se montait à 58% du PIB, contre 34% en 1990 et 21% en 1980.



Le cap des 1.000 milliards d'euros avait lui été franchi en 2004. Il n'aura donc fallu que 10 ans pour multiplier la dette par deux. Aujourd'hui, le seul remboursement des intérêts de la dette coûte chaque année à l'état 50 milliards d'euros, soit plus de 15% du budget de la nation, ce qui en fait le premier poste de dépense devant le budget de l'éducation nationale. Mais le coût total du service de la dette, incluant le remboursement du capital emprunté est lui supérieur à 300 milliards d'euros, soit une somme supérieure au budget total de fonctionnement de l'état ! Pour y faire face, que font l'état et les collectivités ? Ils empruntent à nouveau, creusant chaque année les déficits et alourdissant le poids de la dette. CQFD.

Sur le déficit et la croissance 

La dette publique n'est que la somme des déficits publics annuels. Ces déficits sont chroniques depuis 1974, quelles que soient les sensibilités politiques des majorités au pouvoir. 

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Les élus ne sont pas parvenus à voter un seul budget (réellement) à l'équilibre depuis 40 ans. Ils en ont pourtant à la fois la responsabilité, la légitimité et la capacité. En clair, au niveau national, il s'est trouvé tous les ans depuis 1974 une majorité de députés français pour voter des budgets basés sur des hypothèses irréalistes soit en matière de recette (presque toujours majorées), soit de dépenses (toujours minorées). 

En 2014, rien n'a changé : le budget 2015 a été élaboré sur une prévision de croissance de 1% pour 2015 (contre 0,4% en 2014), 1,7% pour 2016 et 1,9% pour 2017, sans que l'on sache bien d'où viendrait cette subite embellie économique, à l'heure où les prévisions de croissance en Europe en général et en Allemagne en particulier se font particulièrement moroses. 



 La chute tendancielle de la croissance n'est pas assimilée ou acceptée par les politiques
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Résultat : les recettes sont systématiquement inférieures aux prévisions. 

Côté dépenses, les exécutifs ont montré leur incapacité à stabiliser l'inexorable montée des dépenses en proportion de la richesse produite, comme le montre l'édifiante infographie ci-dessous:

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Pris en étau tous les ans entre des prévisions de recette irréalistes et des dépenses qui augmentent de façon incontrôlée, les comptes publics sont structurellement déficitaires et viennent chaque année creuser un peu plus la dette et asphyxier le budget des exécutifs locaux et de l'état.

Ce mode de gestion, qui mènerait en quelques années n'importe quel citoyen à la rue, et n'importe quelle entreprise à la banqueroute, les élites politiques françaises, au niveau local et national, l'ont adopté dans la durée. 

Au final, la réussite apparente du modèle social français au cours des 50 dernières années, matérialisé par des salaires et des prestations sociales élevées, la durée hebdomadaire du travail la plus faible au monde (35h) et un nombre élevé de jours de congé, aura été largement financée par des déficits annuels récurrents et importants. Et ceux-ci auront généré une dette aujourd'hui à peu près hors de contrôle.

Dans le meilleur des cas, la dette sera remboursée par les descendants de ceux qui en ont bénéficié, ce qui constitue au minimum un grave scandale moral. Dans le pire des scénarios, cette dette entraînera rapidement la France vers la déflation, la paupérisation, le déclassement assortis de très graves troubles politiques et sociaux, en même temps que se défera ce qui restait d'idéal européen.