mercredi 13 janvier 2016

Verdict Goodyear: criminalisation du mouvement social ou rétablissement de l'état de droit ?

Pour avoir « retenu » durant 30 heures en janvier 2013 les directeurs de la production et des ressources humaines de leur usine, huit anciens salariés de Goodyear à Amiens-Nord ont été condamnés hier par le tribunal correctionnel à deux ans de prison dont quinze mois de sursis. 


Ce jugement marque la fin d'une jurisprudence typiquement française où la séquestration était tolérée - ou peu sévèrement réprimée - lorsqu'elle ciblait des salariés occupant des postes de direction dans les entreprises ayant annoncé un plan social ou une délocalisation. Comme était également tolérée la mise à sac des sièges sociaux par les représentants du personnel de ces mêmes entreprises.



On mesure donc la surprise des salariés - majoritairement syndiqués CGT - condamnés hier, qui au cours de leur procès, avaient justifié leurs actes par « un coup de colère ». Les victimes avaient elles retirées leur plainte, prétextant qu'il n'y avait « pas eu de comportement qui a porté atteinte à [leur] intégrité physique », même si les images rapportées par BFMtv et les déclarations des représentants CGT de l'usine de l'époque semblaient montrer le contraire. 

Ces derniers expliquaient même qu'ils avaient installé un dispositif pour « faire sauter l'usine », après avoir dans un premier temps rejeté le plan de reprise partielle de l'entreprise américaine Titan, qualifiant son patron Maurice Taylor de « débile mental ». «Je vous garantis que Taylor, il va l'avoir son usine. Mais en cendres.» (Michael Wamen, 2 novembre 2013). 

Les représentants CGT de l'usine en 2013, Michael Wamen et Franck Jurek

Mes courriers de l'époque adressés aux instances régionales et nationales de la CGT visant à leur demander de préciser leur position sur ces déclarations sont restés dans réponse. Depuis, faute de repreneur, l'usine a fermé.

La secrétaire d’État aux droits des Femmes, Pascale Boistard, a réagi en assurant les condamnés de « son émotion fraternelle ». Les représentants des partis d'extrême-gauche, jugeant eux ce verdict « ignoble », « injuste » ou encore « politique »

Fort de ces soutiens au plus haut niveau et certains de leur bon droit, les salariés ont bien sûr décidé de faire appel.