dimanche 14 juin 2015

La Cour des Comptes karchérise la politique budgétaire française

La cour des comptes, pourtant présidée par le socialiste Didier Migaud, vient de sévèrement rappeler à l'ordre le gouvernement français, non seulement pour son incapacité à réaliser des prévisions fiscales crédibles mais aussi - et plus grave - en mettant en cause la sincérité de ces prévisions.


Didier Migaud présentant le rapport annuel de la Cour des Comptes 

Ainsi, alors que le gouvernement avait tablé sur un déficit budgétaire de €82,6 milliards pour l'exercice 2014, la Cour des Comptes vient de corriger ce chiffre à €85,6 milliards, soit un dérapage de près de 4%. Ce qui n'empêche Michel Sapin, ministre de l’Economie et des Finances, de se réjouir de ces chiffres dans les media, au motif qu'ils seraient « meilleurs que les derniers chiffres prévisionnels » établis en cours d'exercice. On pourrait accepter cet argument si la communication des « derniers chiffres prévisionnels » en question avait été assortie d'un plan d'action crédible pour corriger le montant du différentiel.


L'identification des causes de ce dérapage permet de dresser la liste des techniques utilisées par les gouvernements français successifs depuis une quarantaine d'années pour faire voter des budgets qu'ils savent parfaitement irréalistes :

  • Surestimation chronique des recettes fiscales en basant les prévisions sur des hypothèses trop optimistes d'inflation et de croissance.
  • Endettement reporté sur les années suivantes. Par exemple pour 2014 : accroissement et report de la dette de l'Etat vis-à-vis de la Sécurité Sociale (+50%) sur les exercices suivants ; idem pour le financement des « investissements d'avenir » (CICE). Pour un total de plusieurs milliards, qui disparaissent des comptes 2014 comme par magie.
  • Non budgétisation des opérations militaires. Le budget des opérations, prévu à 450 millions en 2014 s'est finalement élevé à 1,2 milliards en raison de l'intervention au Mali.

En fin de compte, même la dépense publique a augmenté en 2014, alors qu'un mouvement de baisse était engagé depuis 2011. Si le gouvernement se gargarise au contraire officiellement d'une baisse, c'est, toujours selon la Cour, en recourant à des « débudgétisations importantes et des reports de charges accrus ». Pour Didier Migaud, le recours à ces techniques « déroge aux principes fondamentaux d’annualité, d’universalité et d’unité budgétaire » et « fausse l’appréciation des résultats d’exécution ». On ne peut pas être plus clair.


"la maîtrise de la dépense publique française est exceptionnelle"

Face à ces critiques, le gouvernement a maintenu sa ligne, qualifiant sa maîtrise des dépenses d'« exceptionnelle » (si si) et contestant que les résultats obtenus l'aient été « au prix d'une altération de la sincérité des dépenses ». Mais sans plus d'explication.

Rendez-vous ici-même en juin 2016 pour constater comme tous les ans une dépense publique et un déficit budgétaire bien plus élevés que prévus et dans le même temps l'immuable satisfecit du gouvernement vis-à-vis de sa politique, avec une assurance qui confinerait à la cécité si elle n'était pas feinte.