samedi 11 novembre 2017

L'inflation qui ne vient pas

Le Comité Invisible avait théorisé « l'insurrection qui vient ». Les économistes occidentaux constatent eux « l'inflation qui ne vient pas ».

Alors que l'économie américaine en est en octobre 2017 à son 100ème mois d'expansion consécutif, que le taux de chômage US est tombé à 4,5% - soit au niveau théorique de chômage structurel -, et que les actions cotées à New-York sont presque toutes à leur plus haut historique – malgré des politiques de versement de dividendes particulièrement généreuses -... l'inflation outre-atlantique reste inférieure à 2% et ne permet pas à la Fed d'envisager une remontée rapide des taux longs.




En Europe, la croissance français repasse depuis une décennie au-dessus des 2% en rythme annuel. L'Union Européenne revoit à la hausse ses prévisions de croissance pour la zone euro : 2,3%, également un record depuis 2007. Le taux de chômage dans l'Union Européenne qui avait atteint un pic à 10,9% en mars 2013 est redescendu à 7,7% avec le quasi plein-emploi atteint dans les pays de la Mittel-Europa : Allemagne et République Tchèque (3,7%), Hongrie (4,1%) ou Pays-Bas (4,7%). La France, qui était le seul pays à ne pas avoir vu son taux de chômage refluer en 2016 semble s'inscrire à son tour dans le mouvement général avec un taux actualisé à 9,6% (9,3% pour la métropole) en septembre 2017, en baisse de près de 10% depuis 2015. 



Et pourtant en Europe aussi l'inflation reste désespérément atone au-dessous des 2%. Malgré une politique monétaire radicalement accommodante depuis près de 10 ans via une politique de taux bas, puis nuls, relayée par des programmes de rachat d'actifs par la BCE. En vain. En France la projection d'inflation se situe à peine au-dessus de 1% tandis qu'en Allemagne ou au Pays-Bas elle ne parvient pas non plus à franchir le seuil des 2%, qui reste l'objectif officiel de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne.

Pourquoi l'inflation et les salaires ne repartent-ils pas à la hausse ? De puissantes forces récessionnistes semblent s'exercer, tant en Europe qu'aux Etats-Unis. 

Mondialisation, généralisation des marketplaces sur Internet, développement des usages collaboratifs, accès gratuit aux produits culturels numérisés, constitution de quasi-monopole dans les nouvelles technologies, baisse des cours du pétrole, etc... Ces facteurs dessinent-ils un nouveau paradigme dans lequel l'inflation sera durablement faible ? Si oui, il faudra rapidement réévaluer le mandat donné aux banques centrales et la pertinence des politiques à l’œuvre depuis la crise de 2008.

mardi 17 janvier 2017

Le spectre de la remontée des taux

Après une période inédite de politique de taux négatifs impulsée par la BCE, semble désormais s'amorcer une phase de hausse des taux. Cette nouvelle donne ne manquera pas d'impacter les particuliers, les entreprises et les institutions bancaires.



Banques : le ouf ! de soulagement
Les taux négatifs ont largement fragilisé les banques car une partie significative de leurs capital fondait progressivement sous la négativité des taux directeurs. Dans le même temps, ces faibles taux ne permettaient pas aux banques de constituer des bénéfices significatifs sur l'activité de prêt aux particuliers et aux entreprises. Pour tout l'écosystème bancaire, la hausse des taux va avoir pour effet un rétablissement au moins partiel des marges, et au niveau macroéconomique par voie de conséquence le renforcement du système bancaire. Ce qui va permettre d'éloigner au moins temporairement la menace de faillite systémique jamais vraiment écartée depuis 2008.


Entreprises : une mauvaise nouvelle... sauf si...
Le contexte de taux bas voire négatifs favorise à première vue les entreprises pour leurs projets d'investissements. Sauf que la déstabilisation des banques a eu pour conséquence une situation de credit-crunch relatif, éloignant de fait les dossiers et les entreprises disposant des garanties les moins fortes de la possibilité même de se faire prêter de l'argent. Un scénario optimiste consiste à imaginer que les banques, revigorées par la hausse des taux, se mettent à prêter plus facilement, entretenant une dynamique vertueuse de croissance, et compensant ainsi l'effet négatif de la remontée des taux.




Particuliers : risque maximal sur l'immobilier
Les français placent principalement leurs économies sur des livrets bancaires réglementés et sur les fonds en euros de leur assurance-vie. La remontée des taux va avoir un effet positif direct sur le rendement des obligations et donc des fonds en euros. Elle devra toutefois s'accompagner d'une remontée de l'inflation pour permettre une remontée des taux de rémunération des livrets réglementés. 
Par contre, la remontée des taux - surtout si elle brutale - risque de mettre fortement sous pression le secteur immobilier. En effet, la quasi-stagnation des prix observée dans un contexte de baisse des taux entre 2007 et 2016 fait penser qu'il y existait bien une bulle immobilière et que celle-ci a profité de la (très) progressive baisse des taux pour commencer à se dégonfler. 
 


Que va-t-il se passer lorsque les taux vont remonter ? On voit difficilement comment les prix pourraient se maintenir alors que les particuliers profitent déjà à plein de leur capacité d'emprunt. Sans une vigoureuse reprise économique, la hausse des taux devrait conduire inexorablement à un affaissement de l'immobilier, secteur qui, couplé à celui de la construction, et en dehors des centre-ville des très grandes métropoles, connaît une forte dépression depuis près de dix ans.