La cour des comptes, pourtant présidée par le socialiste Didier Migaud, vient de sévèrement
rappeler à l'ordre le gouvernement français, non seulement pour son
incapacité à réaliser des prévisions fiscales crédibles mais
aussi - et plus grave - en mettant en cause la sincérité de ces
prévisions.
Didier Migaud présentant le rapport annuel de la Cour des Comptes
Ainsi, alors que le
gouvernement avait tablé sur un déficit budgétaire de €82,6
milliards pour l'exercice 2014, la Cour des Comptes vient de corriger
ce chiffre à €85,6 milliards, soit un dérapage de près de 4%. Ce
qui n'empêche Michel Sapin, ministre de l’Economie et des
Finances, de se réjouir de ces chiffres dans les media, au motif
qu'ils seraient « meilleurs que les derniers chiffres
prévisionnels » établis en cours d'exercice. On pourrait
accepter cet argument si la communication des « derniers
chiffres prévisionnels » en question avait été assortie d'un
plan d'action crédible pour corriger le montant du différentiel.
L'identification des
causes de ce dérapage permet de dresser la liste des techniques
utilisées par les gouvernements français successifs depuis une
quarantaine d'années pour faire voter des budgets qu'ils savent
parfaitement irréalistes :
- Surestimation chronique des recettes fiscales en basant les prévisions sur des hypothèses trop optimistes d'inflation et de croissance.
- Endettement reporté sur les années suivantes. Par exemple pour 2014 : accroissement et report de la dette de l'Etat vis-à-vis de la Sécurité Sociale (+50%) sur les exercices suivants ; idem pour le financement des « investissements d'avenir » (CICE). Pour un total de plusieurs milliards, qui disparaissent des comptes 2014 comme par magie.
- Non budgétisation des opérations militaires. Le budget des opérations, prévu à 450 millions en 2014 s'est finalement élevé à 1,2 milliards en raison de l'intervention au Mali.
En fin de compte, même la dépense publique a augmenté en 2014, alors qu'un mouvement de baisse était engagé depuis 2011. Si le gouvernement se gargarise au contraire officiellement d'une baisse, c'est, toujours selon la Cour, en recourant à des « débudgétisations importantes et des reports de charges accrus ». Pour Didier Migaud, le recours à ces techniques « déroge aux principes fondamentaux d’annualité, d’universalité et d’unité budgétaire » et « fausse l’appréciation des résultats d’exécution ». On ne peut pas être plus clair.
"la maîtrise de la dépense publique française est exceptionnelle"
Face à ces critiques, le
gouvernement a maintenu sa ligne, qualifiant sa maîtrise des
dépenses d'« exceptionnelle » (si si) et contestant que
les résultats obtenus l'aient été « au prix d'une altération de
la sincérité des dépenses ». Mais sans plus d'explication.
Rendez-vous ici-même en juin 2016 pour constater comme tous les ans une dépense publique et un déficit budgétaire bien plus élevés que prévus et dans le même temps l'immuable satisfecit du gouvernement vis-à-vis de sa politique, avec une assurance qui confinerait à la cécité si elle n'était pas feinte.
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