Le Ministère du Travail
délivre de façon mensuelle deux chiffres présentés le plus
fréquemment par les journalistes et les commentateurs comme
correspondant au « taux de chômage en France» et
au « nombre de demandeurs d'emploi en France ».
Les derniers chiffres communiqués font état de 3,40 millions de
demandeurs d'emploi (Pôle Emploi, juillet 2014) et d'un taux de
chômage de 9,7% (INSEE, 1er trimestre 2014).
En marge de ces
communications, un certain nombre de journaux et de sites internet
relaient des chiffres apocalyptiques oscillant entre 8 et 10
millions de chômeurs en France au motif qu'un grand nombre de
catégories de demandeurs d'emploi ne seraient par comptabilisées
dans la statistique officielle.
Essayons d'y voir plus clair.
Le taux de chômage (ou
nombre de demandeurs d'emploi) est d'abord une affaire de définition.
On pourrait tout d'abord utilement réfléchir à la différence
entre un « chômeur » et un « demandeur
d'emploi ». Je laisse volontairement ce débat de côté
pour présenter les différentes approches de la définition du
"chômeur" :
1) Un chômeur est
un individu sans emploi, en âge de travailler, qui en cherche un
activement et qui est disponible dans les 15 jours. C'est
la définition de l'OIT (Organisation Internationale du Travail,
ex-BIT), reprise par l'INSEE dans sa note trimestrielle et qui fait
foi en matière de comptes publics en France.
2)
Est demandeur d'emploi en France un individu inscrit à
Pôle Emploi. Il s'agit de la
définition utilisés pour les communications mensuelles sur les
chiffres du chômage.
3) Un chômeur est
un individu, en âge de travailler, et qui recherche un emploi de
façon active ou qui vit dans la pauvreté et a perdu espoir d'en
trouver un. Tout en restant perfectible, je préconise cette
définition, qui à mon avis peut faire consensus.
La gouvernement
comptabilise donc mensuellement les chômeurs à partir des
catégories définies par Pôle Emploi. Les voici :
- catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;
- catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (ex. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
- catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (ex. de plus de 78 heures au cours du mois) ;
- catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…), sans emploi ;
- catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).
exemple typique de graphique excluant les DOM
Le chiffre communiqué mensuellement
par le gouvernement est celui du nombre d'inscrits à Pôle Emploi
correspondant uniquement à la catégorie A (chômeurs ne justifiant d'aucune
heure de travail salarié et tene de chercher un emploi) excluant de
fait :
1) les demandeurs d'emploi de
catégorie B, alors que tous les inscrits de cette catégorie sont
par définition « tenus de faire des actes positifs de
recherche d'emploi »
2) les demandeurs d'emploi de
catégorie C, alors que tous les inscrits de cette catégorie sont
par définition « tenus de faire des actes positifs de
recherche d'emploi »
3) les demandeurs d'emploi de
catégorie D (par définition tous sans emploi) qui, bien que « non
tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi » en
raison d'un stage, d'une formation ou d'une maladie, seraient en
réalité en recherche active.
4) les demandeurs
d'emploi de catégorie E qui, bien que par définition « en
emploi » et « non tenus de faire des actes positifs de
recherche d'emploi » seraient en réalité en recherche active,
ne se satisfaisant pas de leurs contrats aidés.
S'il
est compliqué d'estimer le pourcentage des chômeurs de catégorie D
et E qui sont en recherche active, une approche plus simple
consisterait à additionner simplement ces différentes catégories,
au motif que par définition, toutes ces catégories regroupent des
« demandeurs d'emploi ».
Par ailleurs, et de façon
étrange, le gouvernement publie ces chiffres en faisant une
distinction entre les statistiques de la France métropolitaine et
les statistiques nationales complètes, incluant les DOM, dont les
chiffres sont plus difficiles à trouver. Le chiffre de 3,40 million
de demandeurs d'emploi de catégorie A publié pour juillet 2014 est donc uniquement celui de la France métropolitaine, laissant
inexplicablement de côté les demandeurs d'emploi de même catégorie
installées dans les DOM.
Ainsi, le nombre de
demandeurs d'emploi pour l'ensemble du territoire national est de
5,39 millions pour les seules catégories A, B et C et à 6,07
millions si on y ajoute donc les demandeurs d'emploi de catégorie D
et E pour la France métropolitaine. Je n'ai pas trouvé le chiffre
des catégories D et E pour les DOM, cependant, s'ils sont
proportionnels à ceux des catégories ABC comme en France
métropolitaine, alors le chiffre de demandeurs d'emploi passe à
6,46 millions pour les catégories ABCDE sur l'intégralité du
territoire français.
Par ailleurs, quelles sont les
catégories de demandeurs d'emploi qui ne seraient pas comptabilisées
par Pôle Emploi dans les 5 catégories pré-citées ?
- les demandeurs d'emploi effectifs qui ont été radiés de Pôle Emploi (refus de convocation à un entretien, à une formation, à une visite médicale, refus d'une proposition de contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, de contrat aidé ou d'insertion, deuxième refus d'une offre « raisonnable d'emploi », etc,). Pour le seul mois de février 2014, 493.000 individus (!) ont été radiés dont environ la moitié pour « défaut d'actualisation [du dossier] » et « radiations administratives » ; les radiations pour reprises d'emploi ne représentant que 19,3% de ce chiffre pour le mois étudié.
- les individus, souvent en fin de droit, SDF ou non, qui ont perdu espoir de trouver un emploi et qui ne se sont donc pas inscrits à Pôle Emploi. Sans être des demandeurs d'emploi au sens strict, ils sont clairement des chômeurs non indemnisés, au sens où ils n'exercent aucune activité professionnelle et ne bénéficient pas de revenus suffisants pour vivre dignement.
- les travailleurs pauvres en recherche active d'un emploi plus pérenne, dont les individus en situation de temps partiel subi.
- les retraités pauvres en recherche d'un emploi de complément
- les bénéficiaires de l'AAH (Allocation aux Adultes Handicapés) ou d'une pension d’invalidité qui seraient en recherche d'emploi active (1 million de bénéficiaires et pensionnées en France en additionnant ces deux catégories)
- les bénéficiaires du RSA en recherche active mais non inscrits au Pôle emploi : en effet, l'inscription au pôle emploi n'est pas une obligation pour les personnes éligibles au RSA : le référent désigné pour les accompagner dans leurs démarches dépendant soit du Pôle emploi, soit d’une mission locale, soit d’un autre organisme désigné par le Conseil général.1,39 millions de foyers sont aujourd'hui bénéficiaires du RSA et non inscrits à Pôle Emploi. De plus, un foyer peut compter plus d'un demandeur d'emploi. Les jeunes de moins de 25 ans primo-demandeurs sont inclus dans cette catégorie.
Attention, certains
individus peuvent appartenir concomitamment à plusieurs de ces
groupes, il ne s'agit donc pas de faire d'additions entre ces
différentes catégories, qu'il est déjà problématique de chercher
à estimer individuellement. Par ailleurs, il faudrait retrancher de
ce nombre tous les fraudeurs au RSA qui perçoivent des allocations
tout en disposant de revenus de complément, ainsi que tous les
individus préférant travailler au noir que de chercher un emploi. Dernière catégorie à retrancher: celles des indemnisés de Pôle emploi qui choisissent de bénéficier des aides un certain temps avant de se remettre à chercher un emploi de façon active.
Ainsi, si l'on accepte la
définition que je propose en début d'article, à savoir « Un
chômeur est un individu, en âge de travailler, et qui recherche un
emploi de façon active ou qui vit dans la pauvreté et a perdu
espoir d'en trouver un » alors le nombre total de chômeurs
en France dépendra de l'estimation qu'on fera des deux types de
catégories citées au-dessus, la seconde venant en déduction de la première. S'il semble raisonnable d'en estimer
le solde (positif) entre 1 et 2,5 millions, alors le nombre de chômeurs en France est
actuellement compris entre 7,5 et 9 millions d'individus, ce qui représente entre 17,5 et 21% de la population active (en âge de travailler).
Sources:
http://www.insee.fr
http://www.pole-emploi.fr
http://travail-emploi.gouv.fr
http://fr.wikipedia.org
http://www.aide-emploi.net
http://emploi.blog.lemonde.fr
http://www.agoravox.fr
http://www.chomiste-land.com
Sources:
http://www.insee.fr
http://www.pole-emploi.fr
http://travail-emploi.gouv.fr
http://fr.wikipedia.org
http://www.aide-emploi.net
http://emploi.blog.lemonde.fr
http://www.agoravox.fr
http://www.chomiste-land.com